[b][b][justify][left] La nouvelle question démocratique
par Philippe Séguin, président de l'Assemblée nationale
Notre démocratie est en crise. Et cette crise n'est pas conjoncturelle ou passagère. Elle
est structurelle, remettant profondément en question la conception française de la
citoyenneté, fondée sur la libre adhésion des individus à la nation. La situation des associations,
décrite par Pierre-Patrick Kaltenbach, en est tout à la fois l'un des symptômes et l'un
des déterminants.
Qu'on en juge... Le secteur associatif regroupe aujourd'hui 700 000 associations qui
emploient 1,3 millions de salariés, dégagent un chiffre d'affaires de plus de 250 milliards de
francs dont plus de 100 milliards d'origine publique et plus de 130 milliards déclarés à la
T.V.A. En 1992, 70 000 associations nouvelles ont été déclarées contre 20 000 en 1975. La
variété de leur objet et de leur mode de fonctionnement désarçonne, puisque la loi de 1901
est supposée gérer aussi bien des clubs sportifs que des actions d'intégration, des pans
entiers de la politique culturelle, industrielle, ou de santé publique comme l'animation de la
vie locale. A cet énoncé, chacun mesure le glissement vertigineux qui s'est effectué depuis le
début du siècle: conçue à l'origine comme l'instrument de défense des libertés civiles face
au cléricalisme, la loi de 1901 tient lieu désormais de paravent aux démembrements
publics et autres « activités lucratives sans but » régulièrement dénoncés par la Cour des
comptes.
Ainsi s'est développé au fil des temps un étrange capitalisme associatif, plutôt sauvage et
fort peu social, où les intérêts corporatistes ont chassé les bénévoles et les subventions
publiques les dons, où une part croissante des prélèvements obligatoires échappe à tout
contrôle des élus du peuple. La sphère publique, surtout depuis la décentralisation, n'a pas
été épargnée, qui a vu la constitution de galaxies associatives, dont le seul objectif consiste
à tourner les règles de la comptabilité publique et le statut de la fonction publique. Que
certaines de ces règles soient caduques ou absurdes, nul ne le contestera. Mais à la
solution courageuse d'une réforme de ces véritables verrous, qui ont empêché jusqu'à
présent toute modernisation véritable de l'État, on a systématiquement préféré les
expédients. Et l'expédient le plus facile et courant, c'est l'association, qui, de bouée de
sauvetage s'est transformée en avarie majeure de la gestion publique. En témoigne le
nombre croissant de sinistres associatifs ayant mis gravement en cause le fonctionnement
de l'État ou de certaines collectivités locales. Le secteur privé n'a pas davantage échappé à
cette évolution avec la multiplication des activités marchandes gérées sous la forme associative,
souvent au mépris du droit et de la morale.
Le grand mérite de Pierre-Patrick Kaltenbach est de ne pas s'arrêter à ce triste constat,
qui a été dressé à plusieurs reprises par des enquêtes parlementaires, administratives ou
judiciaires, pour se pencher sur les causes profondes de la perversion du phénomène
associatif. La France n'en a pas d'ailleurs le privilège. Les pays anglo-saxons ont également
vu croître les organismes intermédiaires entre les administrations et le secteur privé, qui
présentent le même manque de transparence et les mêmes dérives. Pour autant, la crise
des associations atteint sans nul doute en France une dimension exceptionnelle, très
symbolique d'une société de rentiers, figée dans ses conservatismes.
Au-delà des folies financières des années 1980, qui ont vu se développer une forme
d'économie mixte aussi dangereuse pour les libertés que pour les fonds publics, l'explosion
et les dérives auxquelles nous avons assisté renvoient à des causes structurelles. Première
explication, l'éclatement de la société, avec l'apparition d'une fracture sociale qui n'a cessé[/left][/justify][b][/b][/b]
par Philippe Séguin, président de l'Assemblée nationale
Notre démocratie est en crise. Et cette crise n'est pas conjoncturelle ou passagère. Elle
est structurelle, remettant profondément en question la conception française de la
citoyenneté, fondée sur la libre adhésion des individus à la nation. La situation des associations,
décrite par Pierre-Patrick Kaltenbach, en est tout à la fois l'un des symptômes et l'un
des déterminants.
Qu'on en juge... Le secteur associatif regroupe aujourd'hui 700 000 associations qui
emploient 1,3 millions de salariés, dégagent un chiffre d'affaires de plus de 250 milliards de
francs dont plus de 100 milliards d'origine publique et plus de 130 milliards déclarés à la
T.V.A. En 1992, 70 000 associations nouvelles ont été déclarées contre 20 000 en 1975. La
variété de leur objet et de leur mode de fonctionnement désarçonne, puisque la loi de 1901
est supposée gérer aussi bien des clubs sportifs que des actions d'intégration, des pans
entiers de la politique culturelle, industrielle, ou de santé publique comme l'animation de la
vie locale. A cet énoncé, chacun mesure le glissement vertigineux qui s'est effectué depuis le
début du siècle: conçue à l'origine comme l'instrument de défense des libertés civiles face
au cléricalisme, la loi de 1901 tient lieu désormais de paravent aux démembrements
publics et autres « activités lucratives sans but » régulièrement dénoncés par la Cour des
comptes.
Ainsi s'est développé au fil des temps un étrange capitalisme associatif, plutôt sauvage et
fort peu social, où les intérêts corporatistes ont chassé les bénévoles et les subventions
publiques les dons, où une part croissante des prélèvements obligatoires échappe à tout
contrôle des élus du peuple. La sphère publique, surtout depuis la décentralisation, n'a pas
été épargnée, qui a vu la constitution de galaxies associatives, dont le seul objectif consiste
à tourner les règles de la comptabilité publique et le statut de la fonction publique. Que
certaines de ces règles soient caduques ou absurdes, nul ne le contestera. Mais à la
solution courageuse d'une réforme de ces véritables verrous, qui ont empêché jusqu'à
présent toute modernisation véritable de l'État, on a systématiquement préféré les
expédients. Et l'expédient le plus facile et courant, c'est l'association, qui, de bouée de
sauvetage s'est transformée en avarie majeure de la gestion publique. En témoigne le
nombre croissant de sinistres associatifs ayant mis gravement en cause le fonctionnement
de l'État ou de certaines collectivités locales. Le secteur privé n'a pas davantage échappé à
cette évolution avec la multiplication des activités marchandes gérées sous la forme associative,
souvent au mépris du droit et de la morale.
Le grand mérite de Pierre-Patrick Kaltenbach est de ne pas s'arrêter à ce triste constat,
qui a été dressé à plusieurs reprises par des enquêtes parlementaires, administratives ou
judiciaires, pour se pencher sur les causes profondes de la perversion du phénomène
associatif. La France n'en a pas d'ailleurs le privilège. Les pays anglo-saxons ont également
vu croître les organismes intermédiaires entre les administrations et le secteur privé, qui
présentent le même manque de transparence et les mêmes dérives. Pour autant, la crise
des associations atteint sans nul doute en France une dimension exceptionnelle, très
symbolique d'une société de rentiers, figée dans ses conservatismes.
Au-delà des folies financières des années 1980, qui ont vu se développer une forme
d'économie mixte aussi dangereuse pour les libertés que pour les fonds publics, l'explosion
et les dérives auxquelles nous avons assisté renvoient à des causes structurelles. Première
explication, l'éclatement de la société, avec l'apparition d'une fracture sociale qui n'a cessé[/left][/justify][b][/b][/b]